Article paru dans le Journal L’Alsace le 12 juillet 2000 Echoppe nichée dans un recoin du Noumatrouff, le Kiosk propose des objets uniques, drôles, décalés, engagés ou non. Suivez Soph dans l’antre des filles…
A 8 h 30, le réveil sonne. Ah non, c’est le portable. Soph se lève « de très bonne humeur ». On tripote un peu ses dreadlocks, et hop, sur internet pour commencer la journée. On est lundi, Bêtes de scène débute ce soir. Et le Kiosk n’est pas encore installé. Pour l’heure, il attend dans la « Sophmobile » (la voiture quoi), après une escapade pour l’anniversaire de La Vapeur, la salle de concert dijonnaise.
A midi, Soph est au travail. Une heure plus tard, le Kiosk est en place. Fanzines, bandes dessinées et revues sur les présentoirs, disques et vidéos sur le comptoir en moumoute, chapeaux, bijoux et marionnettes à doigts épinglés aux rideaux. Installé dans l’ancienne régie son et lumière de la petite salle du Noumatrouff (mis à disposition par son directeur Jean-Luc Wertenschlag), le Kiosk soigne sa mise en scène. Rideaux de velours rouge, éclairages colorés mais tamisés, un décor théâtral très « freak show». « C’est comme ça qu’on le voulait parce qu’on est tout à fait dans ce registre de ce qui fait peur et rire en même temps ».
Les fanzines ont fait des petits
Ce « on », c’est « une poignée de filles qui faisaient un fanzine (La Mouche). A force de tenir des stands avec leur fanzine, elles ont fini par prendre ceux des autres en dépôt-vente », raconte Soph. Et les fanzines ont fait des petits. « Des collectifs de sérigraphies au recueil de dessins satiriques en passant par des livres objets, des revues plus intello ou carrément anarcho-punk, des vidéos expérimentales, de la musique, projets solos d’artistes ou groupes locaux. En somme, tout et plus encore, pourvu que ça soit une production indépendante à faible tirage. Et surtout que ça nous plaise. Si déjà on est bénévoles!». Aujourd’hui, l’équipe compte cinq-six personnes, bénévoles donc, qui se relaient dans la boutique les soirs d’ouverture. Histoire de « représenter les petits poissons ». Parce que la mission du Kiosk, c’est précisément de faire connaître les productions indépendantes, « un réseau souvent très fermé et qu’on essaie d’ouvrir au grand public. En montrant que la production alternative c’est aussi de belles choses, des modèles uniques qui ont une histoire, qui sont le fruit d’une passion ». Et tout ça avec de tout petits prix, les marges n’excédant pas cinq à dix francs par objet. Et puisque les Mulhousiens ne sont pas franchement friands ces objets inédits (lire ci-contre), le Kiosk sera bientôt sur Internet. Pour tisser de nouveaux liens et vendre, on-line, ses objets inclassables.
« L’important, c’est que ça circule »
Le public du Kiosk aujourd’hui, c’est surtout l’équipe du Noumatrouff et/ou les copains. Des gens déjà sensibilisés à la production indépendante. «Au départ, on le déplorait. Aujourd’hui, on se dit que l’important, c’est que les objets circulent, philosophe Soph. On ne fait pas boire un homme qui n’a pas soif » « Au Nouma, le public nous voit comme un élément de décoration. Les Mulhousiens ne sont pas des gens curieux. Ils ne viennent pas vers nous. On leur fait peur peut-être ? En revanche, quand on est en tournée avec le Kiosk – on adore dire ça, que le NoumaKiosk est on tour – les gens s’approchent tout de suite. Peut-être parce qu’on n’est pas dans un local fermé ou que dans l’Est et en Suisse, les gens sont plus sensibles à ce genre d’initiative». Si les filles du Kiosk continuent malgré tout, c’est parce qu’elles y croient mais aussi à cause des fins de soirée. « On est les dernières dans la place et on détient les dernières bières. Alors le Kiosk se transforme en place du village. Les groupes viennent parce qu’il y a des filles à draguer, le public vient parce qu’il y a les groupes à rencontrer, etc. Ça devient un lieu de rencontre, de débat, et puis ça ressemble tout à coup à un jardin d’enfants. Et c’est ça qu’on aime le plus ».
ANNE SCHURRER
Quand le rideau de fer se lève, le Kiosk se dévoile. Petite boutique des horreurs adorables, le Kiosk est ouvert à chaque fois que le Noumatrouff l’est. Approchez, approchez, vous ne le regretterez pas… Photo Gilles Jalras