Lycéens et étudiants ont manifesté hier dans les villes alsaciennes contre la présence du candidat frontiste au second tour de l’élection présidentielle.
A défaut d’avoir pu se rendre aux urnes, les lycéens ont décidé de faire entendre leur voix dans les rues. A l’appel de l’union nationale lycéenne (UNL) du Bas-Rhin, ils ont manifesté hier à Strasbourg contre le candidat du Front national. Un rassemblement sous haute surveillance par crainte de débordements.
8 000 à Strasbourg
« Beaucoup d’entre nous n’ont pas pu aller voter en raison de leur âge. Ce qui n’empêche pas de s’exprimer. Nous sommes ici pour dire : les idées racistes et xénophobes, on n’en veut pas ! » indique Armel Muller, responsable fédéral de l’UNL 67. Dès le milieu de matinée, un millier de jeunes se sont rassemblés place Kléber, au son du djembé. Ultimes préparatifs, certains ont entrepris de réaliser sur place des pancartes aux slogans anti-FN. Le mouvement des lycéens a trouvé écho à Strasbourg mais aussi à Wissembourg, Saverne, Haguenau, Obernai. A Sélestat, une centaine d’élèves des trois lycées de Sélestat et une trentaine de collégiens ont défilé dans le centre-ville et 300 élèves ont également manifesté au collège de Villé. Venus souvent en train, les manifestants -6 à 7000 selon la police, plus de 8000 selon les organisateurs- ont convergé vers le centre-ville de Strasbourg.
Sans heurts
Le cortège a pris la direction des quais de l’Ill aux cris notamment de « Le Pen t’es foutu, la jeunesse est dans la rue ! ». Dans la foule, les banderoles ont fleuri : « Haider, Berlusconi, pas d’ça ici ! », ou encore « Triste France, sale pays de mon enfance ». Une pancarte rappelle que « l’abstention nourrit le FN ». Sur le trajet, des panneaux électoraux ont essuyé des coups de pieds, des pierres ont aussi volé en direction des forces de l’ordre. Mais le petit noyau de perturbateurs n’a pas réussi à ternir la manifestation qui s’est déroulé sans heurts. Aux abords du musée d’art moderne, le service d’ordre lycéen -environ 150 personnes- a été légèrement débordé par quelques excités. Malgré les appels au calme, le défilé s’est parfois effectué au pas de course. Jusqu’à la jonction place de la République avec les étudiants -un millier environ- qui manifestaient de leur côté. Pour pallier tout débordement malgré l’impressionnant dispositif policier déployé, les organisateurs ont invité à la dispersion, place Broglie.
Le sursaut mulhousien
800, lundi. 4000, hier après-midi. Le sursaut mulhousien contre le péril de l’extrême droite prend des allures inédites et surtout opère une montée en puissance, qui ne devrait pas s’arrêter avant le 5 mai prochain. Et si l’appel à la manifestation d’hier avait été lancé par un comité regroupant lycéens et étudiants, des adultes avaient rejoint les rangs du cortège, toujours majoritairement juvénile. Reste qu’après la réaction spontanée de lundi, qui avait vu des centaines de lycéens découvrir les joies de la manifestation et d’un certain engagement militant, entre improvisation et désorganisation, le rendez-vous d’hier tentait de s’affranchir de ces tâtonnements pour que « la jeunesse fasse entendre sa voix ». Comme le soulignait Léo, un lycéen, « pour notre génération, le 21 avril 2002 aura été un électrochoc. C’est sans doute le 11 septembre de la démocratie française et rien ne sera plus comme avant… Enfin, j’espère ! ». Et c’est résolument que les manifestants ont arpenté durant deux heures les rues de Mulhouse. « Nous sommes en colère » clament ces trois étudiantes qui ont taggé leur T Shirt de slogans ravageurs. « Abstention, piège à cons » clame une pancarte. No Pasaran, c’est le titre emblématique de la manifestation de ce samedi, à 15h, place de la Réunion, appelée, cette fois-ci, par des syndicats et des mouvements politiques. Enfin, le Collectif du 21 avril appelle à une grande fête pour la démocratie, entre stand africain, buvette républicaine et orchestre oumpapa, le 1er mai à Mulhouse, pour que cette journée « soit celle de tous les possibles, celle des cultures contre l’ignorance, celle de cette fraternité évidente contre l’intolérance, celle de cette convivialité souriante contre l’étouffoir de l’individualisme mesquin. Mulhouse n’est pas devenue la capitale de la haine et de la peur de l’autre, elle doit devenir le symbole du sursaut des consciences… ». Hier soir, enfin, le Noumatrouff montait le son pour une jam Fuck da fascists.
600 à Colmar
Plus de 600 lycéens ont donné de la voix à Colmar pour condamner la présence du leader du Front national au second tour. Les élèves de plusieurs établissements colmariens ont défilé toute la journée dans les rues de la ville. Les jeunes entendaient amplifier un mouvement local de protestation entamé modestement mardi (avec 300 participants) à retardement par rapport à leurs camarades des autres villes alsaciennes. Plus importante au niveau des effectifs, la manifestation spontanée a cependant souffert d’un manque d’organisation. Le cortège dense, mais sans itinéraire précis ni point de chute, a effectué plusieurs allers et retours entre les lycées situés à l’ouest qui constituaient le gros des troupes, et le centre-ville. Les manifestants ont fait le tour des établissements publics et privés pour mobiliser leurs camarades. Avec un succès mitigé, certains ayant préféré se réserver pour le grand rassemblement de tous les lycées de la région colmarienne prévu le 2 mai.
500 à St-Louis
A l’appel du conseil de la vie lycéenne (CVL) de leur établissement plus de 500 étudiants du lycée Jean-Mermoz de Saint-Louis sont descendus dans la rue hier matin pour dénoncer la montée de l’extrême droite au premier tour de l’élection présidentielle. Cette marche pacifique qui a duré quatre bonnes heures s’est déroulée sans incident. Outre plusieurs sit-in au carrefour central, les manifestants ont observé une minute de silence au monument aux mort avant de rencontrer le député-maire Jean Ueberschlag qui a signé leur manifeste contre le fascisme, le racisme et la xénophobie. A 12 h 32, une partie des manifestants ont pris d’assaut le train pour rejoindre leurs camarades à Mulhouse.
A Guebwiller…
Pour la seconde fois depuis le début de la semaine, les élèves des trois lycées de Guebwiller sont descendus hier dans la rue pour manifester leur opposition aux idées véhiculées par le front national. Une manifestation colorée qui s’est achevée par un pique-nique improvisé au parc de la Marseillaise. A quelques kilomètres de là, à Rouffach, ce sont une centaine d’élèves du lycée agricole qui ont investi le centre de la petite ville avec tracts et pancartes. Après avoir été reçus par le maire, les lycéens ont défilé jusqu’en fin d’après-midi, distribuant des tracts aux automobilistes et engageant spontanément des discussions avec les habitants.
… Sarre-Union, Sarreguemines et Bitche
Une bonne centaine d’élèves se sont retrouvés hier après-midi dans les rues de Sarre-Union pour manifester contre la présence du Front national au deuxième tour de l’élection présidentielle. Au rythme des slogans « Non à Le Pen, non à la haine » et « Le Pen, au poteau », ils ont défilé avant d’interpeller les automobilistes et les camionneurs, lesquels ont largement soutenu leur démarche par des coups de klaxon et des salutations amicales. A Sarreguemines, ce sont 300 jeunes du lycée technique Henri- Nominé et du lycée Lepange qui se sont retrouvés dans les rues pour manifester leur désir de voir le Front National échouer au second tour de l’élection. A Bitche, enfin, la gendarmerie de la commune a indiqué avoir recensé 200 à 250 jeunes défilant hier dans les rues contre l’extrême droite. Les lycéens ont pris le train par la suite pour rallier des manifestations de plus grande ampleur.
Venus de tout le département, 6 000 à 7 000 lycéens ont rejoint à Strasbourg un millier d’étudiants qui manifestaient aussi de leur côté.