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Les jeunes, des jeunes, quelle jeunesse...

Photo du rédacteur: Jean-Luc WertenschlagJean-Luc Wertenschlag

Dernière mise à jour : 21 déc. 2024

Revue de presse : interview extraite du journal "Cocorico s'brennt" numéro 3 - novembre 2024





Cocorico, dont l'équipe est composée de personnes qui sont jeunes depuis plus ou moins longtemps, a interviewé Conchita Mendez sur la question des jeunes, leur engagement, leur vision du monde, la prise en compte de leurs demandes par les politiques publiques…


Quelles furent tes motivations premières dans ton parcours professionnel ?


Après des études de sociologie je cherchais un travail ayant du sens pour moi, en contact avec un public et ayant un impact, genre tu changes quelque chose dans un parcours de vie même si c’est à la marge en ouvrant des possibilités en fonction de chacun. Je crois que ça m’a toujours motivée et du coup forcément je me suis engagée plutôt sur des missions associatives avec un public d’ados et de jeunes, quelques fois avec des professionnels en lien avec ces publics. Dans ma vie, l’engagement associatif m’a ouvert des horizons autant que le fait de faire des études. Construire sa pensée en étudiant les philosophes fondateurs de la sociologie te pousse à avoir une analyse sur le fonctionnement des sociétés et ses déterminismes. En outre, l’action associative permet de porter des actions locales simples mais ayant néanmoins un impact sur toi et les autres.


l’action associative permet de porter des actions locales simples mais ayant néanmoins un impact sur toi et les autres


Cela fait plus de 20 ans que tu travailles dans le milieu de la jeunesse, quel est ton regard sur l’évolution de la prise en compte de leurs besoins/situation par les politiques publiques ?


Les réponses n’ont pas beaucoup évolué, elles restent restreintes, ciblées et ponctuelles, pour les jeunes qu’on identifie en les mettant dans des cases : en décrochage scolaire, sans emploi, sans études, en foyer, en rupture sociale… Il faudrait une proposition plus globale pour toutes les jeunesses avec la possibilité de leur donner du temps et un soutien financier jusqu’à 25 ans pour leur permettre d’expérimenter et de décider pas à pas de leur avenir en comprenant qui ils sont. Favoriser l’émancipation et la prise d’autonomie de tous les jeunes de plus de 16 ans quelle que soit leur situation. Pour moi la notion du « temps » est primordiale. Donner du temps à chaque jeune de comprendre qui il est sur cette période de vie entre l’adolescence et l’adulte en se confrontant aux autres, en voyageant, en s’engageant, en glandant aussi … Comprendre qui il est pour choisir où il veut aller, le tout sans flipper parce que tu dois trouver une orientation, survivre à Parcours Sup ou trouver un travail pour financer tes études et un toit digne, sans devoir compter sur les parents.


Et l’évolution de la pensée des jeunes ?


Ils s’expriment plus sur la pression qu’ils subissent et sur le manque d’espace pour dire leurs peurs, leurs doutes ou leurs questions sur le fonctionnement du monde. Ils font l’objet de beaucoup d’injonctions : «  il faut » de la réussite scolaire, sociale, être heureux.ses, beaux-belles, être connecté, … Certain.es se blindent et se détachent de tout comme si le fonctionnement du monde n’avait pas d’importance alors que je pense que c’est la peur qui les fige. D’autres sont dans une certaine urgence de vivre ici et maintenant et arrêtent leurs études pour partir travailler en tant que saisonnier sur 5 mois et pour profiter le reste de l’année. Ils se mettent les parents sur le dos qui ne comprennent pas ces choix, eux pour qui il faut un travail fixe et valorisant pour réussir.


Ce que je constate de manière constante c’est le manque de considération pour les jeunes, leurs voix n’existent qu’en lien avec le calendrier électoral comme si tout à coup on se rend compte qu’ils font partie de la société. Or comment se sentir légitime pour t’exprimer lorsqu’on n’est pas considéré comme un citoyen à part entière ?


Ce que je constate de manière constante c’est le manque de considération pour les jeunes, leurs voix n’existent qu’en lien avec le calendrier électoral comme si tout à coup on se rend compte qu’ils font partie de la société


Dernièrement j’ai eu l’occasion d’échanger en atelier avec une cinquantaine de jeunes de 18-20 ans. Je leur ai proposé la méthode du scénario idéal et demandé ce se projeter en 2032 à la fin du prochain mandat municipal. Ils auraient été élus et engagés dans le conseil municipal. Qu’est-ce qui aurait changé autour d’eux dans leur commune ? Ils ont tout d’abord eu du mal à s’exprimer car cela arrive peu qu’on leur demande leur avis, ensuite ils se sont exprimés sur le manque de prise en compte de leur présence dans l’espace public. En dehors des équipements sportifs il n’y a pas la possibilité pour des jeunes de se retrouver hors lieu fermé dédié à la consommation de quelque chose : loisirs, sports, spectacles…


Vois-tu une différence avec les jeunes habitants en milieu rural ?


Fondamentalement je ne pense pas qu’il y ait une grande différence pour les jeunes habitants en milieu rural. J’ai moins eu l’occasion ces 10 dernières années d’échanger avec eux. Mais moi-même habitant un village au fond d’une vallée et ayant des filles de 20 ans aujourd’hui, je relèverais le manque de confrontation à la diversité culturelle dans leur parcours scolaire avec pour conséquence que, si les parents ne sont pas dans une éducation d’ouverture aux autres, un renforcement des préjugés peut apparaître. Ainsi qu’une pression supplémentaire à ne pas sortir du lot, à être comme tout le monde sous peine d’être rejeté, « blacklisté » car non conforme. Les jeunes sont encore moins des citoyens à part entière dans leur commune. Les élus locaux quand ils se posent la question des services à apporter aux habitants concentrent leurs moyens sur les enfants répondant ainsi aux besoins de garde des parents pour maintenir l’attractivité de leur commune. Pour les jeunes il reste les associations essentiellement sportives ou les balades dans la nature...


Fondamentalement je ne pense pas qu’il y ait une grande différence entre les jeunes habitants en milieu rural ou en ville


Comment perçois-tu les politiques publiques actuelles ? En termes de moyen ? De pertinence ?


C’est quoi les moyens vraiment alloués aux jeunes ? Pour qu’ils puissent accéder aux études supérieures s’ils le souhaitent, pour l’accès au premier logement, pour les aider dans leur mobilité, pour leur santé, leur alimentation ? En termes d’initiatives publiques, je trouve que le service civique ou le volontariat européen sont des belles possibilités données à tous les jeunes de 16 à 25 ans. Cela leur permet de se donner du temps, de s’engager et découvrir autre chose et tout d’abord eux-mêmes. Seulement, il faut que la mission soit vraiment d’intérêt général et non un emploi déguisé comme c’est quelque fois le cas dans certaines institutions. Les jeunes ayant vraiment vécu cette expérience en ressortent grandis avec plus de confiance en eux, une expérience unique et de nouvelles possibilités dans leur parcours.


le service civique ou le volontariat européen sont des belles possibilités données à tous les jeunes de 16 à 25 ans


Y-a-t-il un décalage entre les annonces /ambitions / idées impulsés par les politiques et les réalités sur le terrain ?


Il y a de bonnes idées mais peu de moyens.


Est-ce que les politiques prennent bien en compte les aspirations des jeunes dans la société ?


Les politiques ont leur vision de la jeunesse qu’il faut ranger, caser et surtout éviter qu’elle ne fasse trop de bruit. Ils n’ont pas envie d’entendre vraiment leurs aspirations sinon il y aurait des lieux, des méthodes pour les entendre, en tout cas de ceux qui s’expriment, qui souhaitent une société moins clivante, une vie digne et plus équilibrée entre le pro et le perso, un avenir plus serein et du temps pour vivre.


Est-ce que les jeunes pensent qu’ils pourraient changer quelque chose dans ce monde ? Quels sont les engagements qu’ils sont prêts à prendre selon toi ?


Je n’ai pas l’impression qu’ils croient pouvoir changer quelque chose. Le fonctionnement de notre société ne donne pas la place au changement, elle est en mode reproduction et déterminisme. La résignation et l’impression de ne rien pouvoir y faire est partagé et pas que par les jeunes. D’où le fait que l’expression des jeunes, qui souhaitent le changement, se radicalise car impossible de le faire autrement. C’est ce qui permet ensuite aux gouvernants de les qualifier d’« écoterroristes ». La remise en question n’est pas permise, les dernières élections et les épisodes qui s’en sont suivis confortent ce sentiment d’impuissance et d’inexorable.


Le fonctionnement de notre société ne donne pas la place au changement, elle est en mode reproduction et déterminisme


Comment les jeunes s’informent-ils actuellement sur la marche du monde ?


Les réseaux sociaux sans aucun doute. Ils s’abonnent aux comptes de personnalités qui les intéressent, les suivent et partagent leurs avis avec leurs amis. Ça pose la question du débat contradictoire pour éclairer un sujet et de la vérification et la diversité des sources.


la question du débat contradictoire pour éclairer un sujet, de la vérification et de la diversité des sources


Peux-tu nous parler de ton quotidien et ton environnement de travail ? Trouves-tu qu’il y a une lourdeur administrative en général ?


Pas vraiment dans mon travail, mais c’est vrai qu’il faut du temps pour avoir des validations. Le rythme administratif est long.


Penses-tu qu’un journal ringard papier comme le nôtre puisse les intéresser ?


Amené par quelqu’un pourquoi pas ? En les incitant à lire l’un ou l’autre article pour échanger après. Mais s’il n’est pas en « libre accès », ils ne se sentiront pas concernés.


De manière générale quelle serait pour toi la politique publique idéale pour prendre en compte les besoins des jeunes ?


De la co-construire avec eux.








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