À l'occasion de Strasbourg Music Week du 16 au 19 mai 2023, interview radio avec l'adjointe à la maire de Strasbourg. Transcription écrite ci-dessous pour celleux qui n'arrivent pas à cliquer pour écouter le podcast.
Jean-Luc Wertenschlag
Strasbourg Music Week, 17 mai 2023 à Strasbourg. Nous sommes à l'espace Django en présence de Anne Mistler, adjointe à la ville de Strasbourg, aux arts et aux cultures. Le rock'n roll, le hip hop, le métal, vous aimez ça ?
Anne Mistler
Bah oui. Autant que faire se peut. Oui, bien sûr. Je ne suis pas une spécialiste, mais j'ai des goûts assez éclectiques. Et puis je suis curieuse malgré tout. Donc voilà, il y a des choses qui me parlent, d'autres que je ressens très fortement et d'autres qui me laissent indifférente.
Le rock, le hip hop, le métal, vous aimez ça ?
Jean-Luc Wertenschlag
Aujourd'hui à Strasbourg, il y a l'immense Laiterie avec un investissement prévu de l'ordre de 12 millions d'euros. C'est la priorité d'agrandir la Laiterie et de leur donner encore plus d'argent ?
Anne Mistler
Ce n'est pas une histoire d'encore plus d'argent. C'est faire en sorte que, en plein cœur de la ville et à proximité de la gare, un équipement dédié aux musiques actuelles puisse rester dans le concert des grandes salles de musiques actuelles de la région. Et puis parce qu'il y avait aussi tout bêtement des questions de mise aux normes. C'est un équipement qui a maintenant 30 ans. Donc, il y a de toute façon un certain nombre d'éléments qu'il faut repenser différemment, sur l'accueil du public, sur l'accueil des artistes, sur les circulations, etc. C'est un investissement qui pour nous est prioritaire, qui permet aussi de repenser les accès à la Laiterie, de reconfigurer un peu les cheminements et de contribuer à une sorte de rénovation urbaine du quartier. Voilà, donc c'est un point de départ. Et par ailleurs, puisque la Laiterie fonctionnait beaucoup avec le club, pour pouvoir agrandir la grande salle, oui, on sort le club et on l'installe quelques dizaines de mètres plus loin. Donc ça devient un deuxième élément de pôle sur l'émergence des musiques actuelles.
JLW
On va l'installer chez le voisin sans lui avoir demandé son avis, enfin il me semble.
AM
C'est la polémique. Non, c'est caricaturé.
JLW
J'adore les caricatures! Je comprends bien cette volonté. Mais tous les autres autour, tous les petits, les petites associations qui vont pleurer parce qu'elles n'ont pas des millions d'argent public qui tombent du ciel, qu'est-ce qu'on fait avec elles ?
AM
Il y a une chose à préciser, c'est que la Laiterie est un équipement municipal. Le bâtiment appartient à la collectivité et d'ailleurs les espaces de l'autre côté de la rue aussi. Il y a d'autres configurations où les équipements n'appartiennent pas à la ville. Donc le soutien tel qu'on le mène, c'est par des accords de subventions sur la base de projets. Oui, c'est vrai qu'on ne va pas aider du coup l'achat ou le loyer d'un équipement privé. Par contre, sur le projet artistique, culturel que porte l'association, la structure, on est présents.
Le Molodoï, depuis le début, est un espace autogéré et c'est quelque chose d'extraordinaire d'avoir cette durée dans le temps
Jean-Luc Wertenschlag
Mais est-ce que le Molodoï, son fonctionnement peut-être un peu "communiste", n'est-il pas un espace dont la philosophie se rapproche plus de l'esprit politique que vous portez ?
Anne Mistler
Le Molodoï a le même âge que la Laiterie. Depuis le début, c'est un espace autogéré et c'est quelque chose d'extraordinaire d'avoir cette durée dans le temps. Ils ont renouvelé leur bail emphytéotique il y a trois ou quatre ans je crois, avant notre arrivée. C'est un fonctionnement qui marche bien pour le Molodoï, ça n'a pas été plus expérimenté que ça ailleurs.
JLW
Mais dans l'esprit, dans la philosophie... La Laiterie fait 50 ou 80% de recettes propres, ils ont un fonctionnement commercial...
AM
La billetterie est extrêmement importante, oui. Du coup la subvention que donne la ville à l'association est, comment dire, amoindrie par le fait même qu'il y a cette recette de billetterie. Mais c'est un fonctionnement et un système économique mis en place il y a une trentaine d'années, qui pour l'instant fonctionne et on espère bien qu'il va continuer à fonctionner.
JLW
Mais la philosophie, l'esprit du Molodoï, qui est accessible à tous et à toutes. N'importe qui peut aller, lors d'une assemblée générale, même s'il faut parfois attendre parfois cinq heures, accéder gratuitement à cette salle. Est-ce que ce n'est pas ce genre d'équipement, ce genre de philosophie, qu'une municipalité comme la vôtre aurait envie de développer ?
AM
Oui, bien sûr. Mais il faut des gens pour porter ça et pour le mener. Et il faut une constance sur la durée. Et ça n'est pas forcément donné à tout le monde, ça fonctionne au Molodoï. Ils ont une trouvé une recette qui n'est pas forcément duplicable. Bien sûr, on observe ce genre d'initiatives qui sont portées par toute une série d'associations, le Wagon Souk, enfin des choses de cette nature là. Donc il faut qu'on puisse observer les choses, la manière dont elles se déroulent dans le temps.
Jean-Luc Wertenschlag
Et sinon, depuis que vous êtes arrivés à la municipalité, en fait, qu'est-ce que vous avez changé ? Pas tous les changements, mais les priorités ?
Anne Mistler
Dans le domaine de la musique?
JLW
Dans le domaine de la musique ou de la culture.
AM
Les musiques actuelles ?
JLW
Dans le domaine que vous voulez ! Si vous avez envie de parler de voirie, allez-y.
L'école est notre priorité dans le budget de la collectivité
Anne Mistler
Non, ce n'est pas tout à fait mon domaine de spécialité. Mais les choses bougent puisque que vous savez qu'à la fois il y a de nouvelles lignes de tram, il y a toute une problématique sur le stationnement, que par ailleurs on végétalise les cours d'école, on les déminéralise. C'est d'ailleurs notre priorité les écoles dans le budget de la collectivité, parce qu'il y a de l'entretien des écoles, etc. Évidemment, il y a plein de choses qui sont en train de se dérouler dans le domaine de la culture, il y a plusieurs choses. Déjà, il y a la décision qui vient d'être prise sur la rénovation, restructuration, voire extension du bâtiment de l'Opéra national du Rhin, qui est une histoire qui traîne depuis des décennies. Dès le début, on a reconsidéré la délégation de service public du cinéma municipal, autrefois connu sous le nom Odyssée et qui aujourd'hui est porté par une nouvelle équipe et qui s'appelle le Cosmos, l'inauguration aura lieu le 2 juin 2023. On a porté le dossier de candidature capitale mondiale du livre UNESCO et nous sommes labellisés "Capitale mondiale du livre UNESCO 2024 2025" et c'est un énorme travail de fédération de l'ensemble des partenaires du livre, de la lecture au sens large du terme, y compris dans le domaine de la musique puisque il y a des écritures, il y a des lectures musicales et donc on associe l'ensemble des partenaires pour faire vivre cette dynamique-là. On a la restauration, enfin la mise aux normes du cinéma Saint-Exupéry à Strasbourg, c'est un bâtiment municipal, avec un exploitant privé. Mais le bâtiment nous appartenant, on fait une mise aux normes. Dans le domaine des musées, on commence avec la rénovation d'une salle dans le palais Rohan et puis on intervient aussi sur le musée alsacien. Ce que je veux dire par là, c'est qu'on a aussi un patrimoine, au sens patrimonial, non pas propriété de la ville mais patrimoine au titre des monuments historiques, qui est très dégradé et sur lequel un plan d'intervention sur plusieurs années est nécessaire.
Jean-Luc Wertenschlag
Bon allez, vous retapez le patrimoine, mais ça la droite le fait aussi.
AM
Elle ne l'a pas fait. Je suis désolée.
JLW
Elle aurait pu...
AM
Mais elle l'a pas fait, elle ne l'a pas fait.
Jean-Luc Wertenschlag
Mais sinon, dans l'esprit, dans la façon de faire, c'est différent ou c'est pareil ?
Anne Mistler
Puisque vous m'interrogez, moi, et que j'appartiens à une collectivité écologiste et citoyenne, je vous dirais qu'évidemment on fait les choses différemment. Après, c'est la perception qui en est donnée, c'est à dire qu'il ne faut pas oublier qu'on est arrivé dans une période qu'aucune municipalité n'a jamais connue, c'est-à-dire deux années de Covid.
La ville "marchable", faire en sorte que les gens retrouvent le plaisir de marcher, d'arpenter leur ville à pied ou à vélo.
Jean-Luc Wertenschlag
C'est une belle période pour expérimenter plein de trucs qu'on a jamais osé avant. Mulhouse s'est remplie de pistes cyclables alors que jamais la municipalité n'aurait pensé à ça avant.
Anne Mistler
À Strasbourg, il y avait déjà un réseau de pistes cyclables. On l'étend au niveau de la métropole, ce qui est important aussi. On a un plan sur la ville "marchable", faire en sorte que les gens retrouvent le plaisir de marcher, d'arpenter leur ville à pied ou à vélo. Et donc éliminer progressivement la présence de la voiture dans les espaces publics, pour dégager l'espace public et le rendre disponible, y compris pour des activités artistiques et culturelles. Mais il y a surtout notre manière, j'allais dire un petit peu différente, de travailler, déjà au sein de la municipalité elle-même, de décloisonnement des politiques, c'est-à-dire on ne fonctionne pas en silos, on travaille vraiment en transversalité. Ce n'est pas toujours facile, ça ne fonctionne pas toujours non plus, il ne faut pas exagérer, mais c'est vraiment l'objectif recherché: considérer une politique thématique dans la globalité des politiques et dans la globalité des territoires d'une ville. Dans le domaine de la culture par exemple, on va faire en sorte que l'ensemble des quartiers de la ville puissent être à un moment donné ou un autre, concernés par des développements d'actions culturelles, soit à partir d'équipements... Alors ici, l'Espace Django, c'est le contre exemple, parce que ça fonctionne bien, ils font un boulot extraordinaire sur le quartier, ce n'est pas le cas partout. Donc en fait, c'est comment notamment le réseau des institutions culturelles peut davantage se préoccuper, même s'ils le font déjà, franchement, se préoccuper effectivement de là où sont les gens. Non pas uniquement les amener, mais leur permettre de découvrir la diversité culturelle et artistique de la ville. Un exemple tout bête, rien à voir avec une manière différente mais quand même. On célèbre tous des mariages et les villes offrent un cadeau de mariage. Les mariages, c'est vraiment l'ensemble des composantes de la population qui défilent dans la salle de mariages. On a décidé de substituer le cadeau habituel traditionnel d'un livre avec des photos sur la ville, c'est ce qui se faisait à Strasbourg, par une pochette cadeau dans laquelle on a un abonnement pour une année pour deux personnes dans le réseau des bibliothèques médiathèques de l'Eurométropole. Un billet d'entrée permanent pour une année pour les deux sur tous les musées, exposition et collections permanentes des musées de la ville. Il y a quand même onze musées. Une montée sur la plateforme de la cathédrale.
JLW
À pied ?
AM
Ben oui. Et un fragment, enfin une copie en grès d'un fragment d'une rosace de la cathédrale de Strasbourg. On se préoccupe de la question des droits culturels et de la manière dont on peut prendre en considération les droits culturels. Mais c'est aussi permettre de faire connaître les richesses culturelles qui sont possibles dans l'ensemble de la ville, qui souvent sont gratuites ou à un coût extrêmement limité. Nous avons décidé aussi d'avoir une tarification sociale et donc accessible pour le plus grand nombre. J'ai oublié, je viens de voir passer un tram: la décision de la gratuité du tram pour les moins de 18 ans.
Gratuité du tram pour les moins de 18 ans
Jean-Luc Wertenschlag
C'est électoraliste ça! À Mulhouse, c'est gratuit pour les vieux parce que ce sont les vieux qui votent pour eux. Et vous, c'est gratuit pour les jeunes, parce que ce sont eux qui votent pour vous.
Anne Mistler
Pas du tout.
JLW
Les jeunes ne votent pas pour la gauche ?
AM
18 ans, c'est la première année de vote! Mais non, c'est les habituer à découvrir, fonctionner dans la ville autrement que par le cheminement que pouvaient emprunter leurs parents, par exemple en allant travailler, on dépose l'enfant en voiture devant l'école. On a fait des "rues école", c'est à dire des rues à proximité des écoles où les voitures ne pénètrent pas, il y a juste les enfants à pied accompagnés de leurs parents qui rentrent dans la rue. Il y a plein de choses qu'on a fait. On se préoccupe aussi beaucoup de l'égalité hommes-femmes, du respect des questions de genre, etc. C'était la première fois qu'on a pris une délibération sur un budget dédié au genre, c'est à dire comment identifier les financements publics, vers qui ils vont. Par exemple, dans le domaine de la musique actuelle, est-ce que l'essentiel des financements va sur des formations qui sont plutôt masculines ? Ou est-ce qu'il y a un soutien particulier, un coup de pouce, une mise en valeur, une reconnaissance des femmes dans les musiques actuelles ?
JLW
Alors s'il y a trop d'hommes, vous divisez la subvention par deux ?
Anne Mistler
Pas du tout. C'est tout simplement d'abord de rendre lisible le soutien sur les créatrices et les interprètes femmes, dans tous les genres, dans tous les domaines de la culture. Et le faciliter, autant que faire se peut, sur la base toujours, de l'examen de la qualité du projet artistique et culturel. Mais soutenir pour qu'elle puisse être davantage diffusée ou en tout cas demander aux institutions culturelles, par exemple dans le domaine du théâtre, dans le domaine de la musique, de l'opéra, des musées, etc. Comment est-ce que vous mettez en valeur, finalement, les créatrices qui ont créé une œuvre, qu'elles soient anciennes ou que ce soit aujourd'hui ? Comment faites-vous ? Est-ce que vous les intégrer dans la programmation ? Alors ce n'est pas toujours possible, bien sûr, mais il y a de plus en plus cette attention.
JLW
Vous voulez aller plus loin dans cette discrimination positive ? Je ne sais pas comment l'appeler...
AM
Je déteste cette notion là, parce qu'il y a toujours discrimination.
L'école est le seul endroit où on retrouve l'ensemble de la population
Jean-Luc Wertenschlag
André Malraux dans les années 50 nous promettait la culture pour tous et toutes, la démocratisation culturelle, etc. On n'a jamais réussi à le faire.
Anne Mistler
C'est compliqué. C'est compliqué parce que une population a des références culturelles de natures très diverses et très différentes. Malraux est partie de la connaissance des œuvres universelles en quelque sorte, c'est à dire effectivement ce qu'on appelait à l'époque les œuvres majeures.
JLW
Comme Maître Gims par exemple :-)
Anne Mistler
On est aujourd'hui sur une population souvent d'origines différentes, issue de brassages ou profondément enracinée dans un territoire, un terroir et a des références culturelles qui sont de natures extrêmement différentes, qui parfois peuvent se télescoper d'ailleurs. Du coup, comment aujourd'hui, dans une politique culturelle, on prend en compte ces éléments là qu'on a qualifié de droits culturels au sens large du terme ? Comment on les valorise ? Des structures comme Django par exemple font ce travail, de façon remarquable. Pôle Sud fait quelque chose d'équivalent dans le domaine de la danse par exemple. Mais ça ne suffit jamais. En même temps, il y a une politique tarifaire qui est mise en place, je l'ai déjà évoqué pour d'autres secteurs, qui permet d'accéder à des grandes institutions culturelles, à des grands moments de musique ou de culture, quel que soit le domaine, à des tarifs extrêmement intéressantes, 5€, 6 €, 7 €, etc. Ensuite et surtout, ou de façon parallèle et concomitante, mais ça ne date pas d'aujourd'hui, c'est toute la politique d'éducation artistique et culturelle puisque l'école est le seul endroit où on retrouve l'ensemble de la population. Et donc quand on peut développer des projets d'éducation artistique et culturelle pendant le temps scolaire ou hors temps scolaire pour faire découvrir la grande diversité de la richesse culturelle du territoire, c'est des choses qu'on sait ne pas être perdues et qui ensuite, des années plus tard peut-être, vont alimenter le nouveau public, vont faire en sorte que peut-être des créateurs vont apparaître. C'est sur le long terme, les conséquences immédiates des politiques de cet ordre là ne sont pas visibles immédiatement, mais c'est le pari sur l'avenir. Et par exemple, on a pu observer que pendant le Covid, il y a eu une déperdition des publics vraiment extrêmement importante. Et pour cause, les lieux étaient fermés. Mais quand ils ont progressivement rouvert, le public a eu du mal à revenir pour des tas de raisons. Aujourd'hui, les salles sont pleines. Toutes, vraiment toutes. C'est à dire qu'il y a une faim, un appétit de culture et d'art.
JLW
Est-ce que les salles sont pleines de pauvres ? Ou bien juste de ceux qui venaient déjà avant ?
AM
Non, non, il y a une diversité. L'Opéra, on le qualifie souvent d'élitiste. Mais aujourd'hui, 30% des spectateurs de l'Opéra national du Rhin ont moins de 30 ans. Alors, c'est le résultat d'une politique tarifaire, c'est sûr. Mais ce n'est pas parce que vous faites un tarif accessible que les gens viennent. Il faut qu'ils aient été sensibilisés, il faut qu'ils aient eu envie de venir. Donc, c'est toutes les actions de médiation qui sont importantes pour faire en sorte que, effectivement, les gens y aillent. On voit qu'il y a un renouvellement. Alors, la difficulté aussi, c'est de ne pas perdre les générations séniors.
Jean-Luc Wertenschlag
Elles finiront de toute façon par mourir.
Anne Mistler
Oui mais enfin il ne faut pas les précipiter trop vite quand même, bon. C'est aussi tout l'équilibre des programmations qui à la fois peuvent parler aux gens qui ont une référence assise dans le siècle dernier, voire même jusqu'au milieu du siècle dernier, et les jeunes générations qui sont celles de notre siècle aujourd'hui et qui du coup n'ont pas forcément toujours les mêmes références. Mais il y a une nécessité, sur toute la chaîne des âges, d'une approche culturelle et d'un respect des pratiques culturelles des autres. Ce n'est pas parce que je n'aime pas le rap que je ne dois pas considérer le rap. Ce n'est pas parce que je n'aime pas l'opéra que je dois considérer que c'est élitiste. Par contre, c'est d'arriver à faire comprendre les codes - parce que chaque domaine artistique a ses propres codes - et donc c'est essayer de faire comprendre les codes de l'autre esthétique, de l'autre domaine pour les appréhender. Ensuite on les pratique, on y va ou on n'y va pas, c'est autre chose. Ça c'est la liberté individuelle.
JLW
Pour terminer, vous voyez souvent Anne-Catherine Goetz, l'adjointe à la culture de la ville de Mulhouse ? Vous vous amusez avec elle ? Et surtout, qu'est ce que vous faites ensemble ? Est ce qu'il y a des projets qui rassemblent Mulhouse et Strasbourg, peut-être même Colmar, Sélestat ?
Anne Mistler
Alors j'ai évoqué Strasbourg capitale mondiale du livre. Il est évident que pour nous, ce projet concerne l'ensemble du territoire, y compris dans la dimension transfrontalière. On n'a pas parlé d'Europe, on n'a pas parlé transfrontalier, mais c'est important. Anne-Catherine Goetz comme Michel Spitz, nous sommes tous les trois président et vice-président de l'Opéra national du Rhin, ce qui est quand même quelque chose d'assez exceptionnel et qui n'a jamais été copié ailleurs.
JLW
A ce prix-là, c'est normal.
AM
Ah bah non, c'est trois villes, c'est un chœur professionnel...
JLW
Trois villes dont deux ville riches et une ville pauvre.
25 % de la population de Strasbourg est en dessous du seuil de pauvreté
Anne Mistler
Mais non, non, je ne vois pas les choses comme ça. Strasbourg a 25 % de sa population en dessous du seuil de pauvreté. Ce n'est pas parce qu'on voit le centre ville de Strasbourg qui est opulent, qui a l'air opulent, que c'est une ville riche. Non, c'est beaucoup plus différent que ça. Donc, Anne-Catherine Goetz et moi nous retrouvons dans le Comité de l'Opéra national du Rhin, puisque la présidence est tournante tous les deux ans, avec un autre élu de chacune des trois villes. Il y a le Ballet du Rhin qui est un centre chorégraphique national, mais qui est rattaché à l'Opéra national du Rhin. Donc c'est une configuration assez exceptionnelle et franchement remarquable avec trois villes et trois ensembles. Rien qu'à Strasbourg, le personnel de l'Opéra National du Rhin, c'est à dire le chœur, l'administration et les techniciens, c'est près de 300 personnes permanentes et vous rajoutez à peu près le double d'intermittents lors des spectacles.
JLW
Vous faites l'Opéra du Rhin ensemble, mais ça c'était déjà le cas avant.
AM
Mais nous, on s'entend bien. On pourrait très bien être en rivalité, on ne l'est pas. On est dans des dominantes politiques différentes, je pense que ça ne vous a pas échappé. Or, c'est important qu'on arrive à dépasser les appartenances politiques pour arriver à s'entendre sur un objectif commun et partagé. Par ailleurs, la Haute Ecole des Arts du Rhin, qui est un établissement public de coopération culturelle, associe l'ancienne École des arts décoratifs de Strasbourg et l'ancienne école du quai de Mulhouse.
JLW
Oui, en fait c'est Strasbourg qui a mangé Mulhouse.
AM
Mais non.
JLW
Elle est où la direction ?
Anne Mistler
On est justement en train de travailler là dessus. La présidence tournante, c'est moi, mais après c'est Anne-Catherine Goetz.
Le nouveau directeur de la Haute École des Arts du Rhin ira souvent à Mulhouse
Jean-Luc Wertenschlag
Et le directeur de la HEAR (Haute Ecole des Arts du Rhin), il est dans quelle ville de nouveau ?
Anne Mistler
Ah bah le directeur, il est à Strasbourg. Mais on est très attentif, parce qu'il est nouveau, il est là depuis deux mois. On est très attentifs à ce qu'il aille souvent sur Mulhouse. On est justement en train de retravailler la gouvernance avec Anne-Catherine Goetz et ce nouveau directeur, Stéphane Sauzedde, justement pour que Mulhouse ait davantage de place et de lisibilité au sein de la Haute école des arts du Rhin sur les domaines qui lui sont plus spécifiques et en particulier le design, de façon à ce qu'on ait vraiment une identification de Mulhouse et on est attentifs à ça.
JLW
Et sinon, un truc de fou avec Mulhouse en projet, vous avez ça ?
AM
Pour l'instant non, parce que chacun a assez de problèmes dans sa propre ville à gérer je crois.
JLW
Bon alors un truc de fou à Strasbourg, c'est quoi le prochain spectacle ? Un projet ? Que faut-il absolument voir ?
Rendez-vous au printemps 2024 avec Strasbourg capitale mondiale du livre
Anne Mistler
Je vous dirais qu'il faut regarder les programmations de chacune des institutions culturelles. Il va y avoir des choses extrêmement intéressantes portées par chacune d'entre elles. Mais je vous donne rendez vous au début du printemps 2024 avec Strasbourg Capitale mondiale du livre.
Jean-Luc Wertenschlag
Merci beaucoup. Anne Mistler, adjointe aux arts et à la culture.
AM
Non, "aux cultures" !
JLW
Pardon, adjointe aux arts et aux cultures.
AM
Et en charge de la politique mémorielle.
JLW
Politique mémorielle ? C'est quoi ça ?
AM
Hopla !
JLW
Ha! Ha! Ha! Ha!