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L'endométriose, parlons-en ! Le témoignage édifiant de Vanessa

Photo du rédacteur: Jean-Luc WertenschlagJean-Luc Wertenschlag

L'endométriose est une maladie méconnue qui touche une femme sur 10 dans le monde, souvent de façon terrible. Pour mieux comprendre les souffrances que peut amener cette pathologie incurable, écoutons Vanessa qui a vécu un enfer pendant 20 ans sans savoir ce qu'elle avait.





Propos recueillis par Jean-Luc Wertenschlag le 21 février 2025 dans le cadre d'une série de podcasts consacrés à l'endométriose avec la Nef des sciences, l'Inserm Est et l'UHA (Université de Haute-Alsace). Entretien partagé sur Radio Quetsch, L'Alterpresse68, Warum Net Experience et tous les médias qui souhaitent le diffuser. Transcription d'une interview radio à écouter en podcast en cliquant ici.



© 2019 Flore Avram/Inserm
© 2019 Flore Avram/Inserm

On estime à 1,5 million le nombre de Françaises qui seraient atteintes d’endométriose. Ce chiffre est sans doute sous-estimé car bien que fréquente, cette maladie gynécologique demeure encore mal repérée. En effet, les connaissances sur l’endométriose par les professionnels de santé restent insuffisantes et les retards de diagnostic importants. A l’Inserm, des équipes de recherche travaillent depuis plusieurs années pour mieux appréhender la maladie et améliorer la vie des patientes touchées par des douleurs souvent invalidantes, causes de fatigue, de dépression, ou d’anxiété. Source: Inserm.


 

  • Bonjour Vanessa, avec Radio WNE, la Nef des sciences et l'université de Haute-Alsace, nous démarrons un programme spécial endométriose, maladie méconnue, qui touche une femme sur dix et dont le diagnostic moyen met souvent une dizaine d'années. Et comme tu souffres de cette maladie et que tu as accepté de témoigner, peux-tu nous expliquer à quoi ressemble l'endométriose ?


Bonjour. En fait l'endométriose est une maladie qui touche tellement de personnes. Parmi toutes les femmes que tu connais, parmi toutes les personnes qui ont leurs règles, il y en a une sur dix qui l'a et qui n'est certainement pas au courant. C'est pour ça qu'il est si important d'en parler. Parce qu'en fait il y a beaucoup de femmes qui vivent avec cette maladie et qui ne le découvrent que très tard. Pour moi c'est presque 20 ans après, et surtout après dix années avec la maladie à son point fort, que j'ai pu comprendre que c'est ce que j'avais. Je n'aurais jamais pensé que j'avais ça. En fait, l'endométriose, c'est quand une partie de l'endomètre, ça fait très scientifique, mais tu sais, tous les mois, il y a la menstruation, c'est du sang qui sort du corps. Et en fait, ce n'est pas du sang, c'est l'endomètre qui se dégage quand on n'est pas enceinte. Et il y a une partie de ça qui ne sort pas. mais qui se place quelque part dans le ventre, à l'intérieur du corps, et qui commence à faire des petites masses. Des fois, c'est plein de petites masses. Des fois, c'est une seule. Dans mon cas, j'avais une énorme masse d'endométriose. Et donc, c'est comme des fils de sang qui se transforment en petites boules, comme une pelote de laine, sauf que c'est du sang. Et c'est super difficile à détecter parce que, comme c'est du sang et que dans ton corps, tu as du sang, ce n'est pas anormal. Tu ne le vois pratiquement aucun examen. Tu ne le vois pas à travers des échographies. Et tu ne peux pas repérer ça parce que les appareils ne sont pas faits pour détecter une masse de sang dans ton corps. Ce n'est pas fait pour ça. C'est assez grave parce qu'au fur et à mesure, ça grandit et donc ça affecte de plus en plus. C'est très coupant et ça commence à couper ou à affecter les organes qui sont autour. Dans mon cas, c'était la vessie et le colon, qui te sert pour digérer.




EndoFrance

Association française de lutte contre l'Endométriose


  • Et donc, pendant 10 ou 20 ans, tu as souffert d'endométriose sans savoir ce que c'était ?


L'endométriose vient à partir des règles. C'est des douleurs très fortes, handicapantes, surtout au moment des règles. Il y a des personnes qui s'évanouissent, subissent une douleur énorme. Il y a beaucoup de débats, mais la prise de la pilule, ça change un peu les symptômes, puisque ça fait des modifications hormonales. Et donc, depuis l'âge de 18 ans, à partir du moment où j'ai commencé à prendre la pilule contraceptive, la douleur s'est un petit peu amoindrie. Mais quand j'ai arrêté de prendre la pilule, ça a repris. C'est à partir de là que les douleurs étaient très très fortes. Quand j'étais adolescente, c'était pareil, c'était des énormes douleurs. Et donc la normalité c'est de penser que bah voilà, les règles ça fait mal. Il y a des femmes qui sont plus faibles que d'autres, qui résistent moins à la douleur, donc elles ont plus mal et donc il faut être un peu plus fort dans la vie.

On peut comparer la douleur de l'endométriose à une attaque cardiaque.

Une personne qui fait un arrêt cardiaque a une douleur très importante et une douleur d'endométriose, c'est comme avoir un arrêt cardiaque. Sauf que tout le monde autour de toi te dit "Ah, mais non, c'est normal, il faut être forte. Il ne faut pas se laisser aller. Toutes les femmes ont leurs règles. Donc, tu n'as qu'à prendre sur toi, voilà". C'est ça la problématique. C'est aussi la société qui a tendance à amoindrir la douleur des femmes et à ne pas la considérer. C'est aussi pour ça que les diagnostics sont si tardifs, parce que la plupart des médecins ne prennent pas les douleurs de règles comme un critère. Quand tu leur dis « j'ai très mal quand j'ai mes règles », ils répondent « ah oui, mais c'est normal » , et donc ils ne le considèrent pas comme un symptôme de l'endométriose. Il y a très peu de formation sur ça, ou en tout cas, il y a avait très peu, avant les nouvelles lois. Il faut sensibiliser les étudiants et étudiantes en médecine, et surtout leurs profs à ce type de douleur.


  • Mais quand tu souffrais d'endométriose sans savoir ce que c'était, tu allais voir ton médecin, ton gynéco et ils te disaient "c'est normal" ? Comment ça se passait ?


Exactement. Je suis allée voir plusieurs médecins et à chaque fois c'était normal. Mais à un moment donné, comme je te dis il y avait une boule. Dans mon cas, une boule assez grande, je sentais quelque chose dans mon ventre, j'étais fatiguée, enfin il y avait plein de symptômes de l'endométriose. Comme une énorme fatigue, j'avais beaucoup de mal à faire plein de choses. Les médecins me disaient, mais non c'est normal. Et il me faisaient des examens, genre pour me faire plaisir parce que je revenais trop souvent ... Mais ils ne trouvaient rien. Alors ils me disaient, mais c'est parce que vous êtes trop fatiguée, parce que vous ne faites pas assez de sport, parce vous ne mangez pas assez bien. Il y avait toujours plein de raisons. Et donc voilà, moi je ne pouvais rien faire. Ils m'avaient fait tous les examens. Une des conséquences de l'endométriose, c'est la santé mentale des femmes qui pensent qu'elles deviennent un peu folles à se dire qu'elles se sentent mal. Et comme tout le monde leur dit que non, que tous les examens le prouvent, ils disent, « Non, regardez, on vous a fait cette échographie, tout va bien, tout va bien, tout va bien. » Donc, j'avais mal, mais voilà, c'était comme ça. Mais la douleur est à chaque fois plus forte. Et à un moment donné, je n'arrivais plus à marcher. Et donc là, ils ont dû se dire, « Ah oui, quand même, là, il y a un truc. » Ensuite, tous les médecins m'ont dit « Ah, mais pourquoi vous n'avez pas consulté plus tôt ? Vous êtes super mal, comment vous avez réussi à survivre ? » Et moi, j'avais juste envie de les tuer tous, en train de dire « Si, regarde, j'ai 17 rendez-vous au gynéco, j'ai 40 000 examens, donc là, si tu veux, je ne vais pas tuer des gens parce que je n'ai pas assez de force, mais sinon, je pourrais être en prison en ce moment. »


Quand j'étais malade, je continuais à travailler. Avec le télétravail, c'est génial, on peut travailler malade.


  • Mais combien de temps ça a duré jusqu'au diagnostic ?


Mais toute ma vie! Ça a duré, je pense, 15 ans. Mon état était assez extrême. Je continuais de travailler, je continuais de faire les choses. Quand j'étais malade, je continuais à travailler. On a le télétravail, c'est génial, on peut travailler malade. Et du coup, je résistais à la douleur. Mais trop longtemps, beaucoup trop longtemps.


C'est une opération complexe qui a duré neuf heures. Trois chirurgiens différents m'ont opéré. Ils m'ont tout enlevé, les ovaires, l'utérus. J'ai passé un mois à l'hôpital.


  • Depuis que tu as été diagnostiquée, comment ça se passe ? Est-ce qu'on peut soigner l'endométriose ? Est-ce qu'on peut atténuer la douleur ?


L'endométriose évolue de façon différente selon les personnes. C'est encore une maladie très méconnue, ce qui fait qu'on ne sait pas tout. Heureusement que j'avais un petit peu de gras dans mon ventre, ce qui a limité que mes autres organes soient touchés. Du coup, il fallait que je me fasse opérer pour me faire sortir cette boule de sang, dans les semaines suivantes. J'ai eu de la chance parce que j'avais une seule et grosse boule, donc beaucoup plus facile à extirper. Si tu as 227 petites boules partout dans le corps c'est bien plus compliqué. Parce qu'elles sont trop difficiles à voir, comme je te dis, c'est du sang. Le sang, tu en as plein. Donc, on m'a opéré. C'est trois chirurgiens différents qui ont dû m'opérer, ils m'ont enlevé la boule, ils m'ont enlevé toute une partie de l'intérieur de mon ventre, ils m'ont mis une maille. C'est une opération complexe qui a duré neuf heures. C'était la plus grosse boule qu'ils ont vue de toutes leurs opérations, et c'était des experts de l'endométriose, bien sûr, que j'ai dû contacter parce que ce n'est pas n'importe quel médecin qui sait faire ça. Ils m'ont tout enlevé, les ovaires, l'utérus. Ils ont tout, tout de suite, tout enlevé. J'avais déjà des enfants, je n'avais pas envie d'en avoir encore. Mais pour les femmes atteintes d'endométriose qui veulent avoir des enfants ce n'est pas possible... Aujourd'hui je ne fabrique plus d'endomètre et donc je n'ai plus tellement de douleurs, ça a diminué, même si mon corps est encore affecté, il y a encore des bouts d'endométriose un peu mais qui sont tellement petits que ça n'a absolument rien à voir avec la souffrance que générait ma boule avant. D'ailleurs, je vais t'envoyer une photo de ma boule comme ça tu la mets pour illustrer le podcast ! [rires]





  • Cette maladie existe depuis l'Antiquité, ne touche que les femmes, est seulement identifiée depuis quelques dizaines d'années, je crois. Si elle touchait les hommes, est-ce qu'on aurait peut-être trouvé une solution ? Déjà, les choses seraient différentes, non ? L'endométriose serait-elle le symbole de la domination masculine et du patriarcat ?


Exactement. L'endométriose est l'exemple parfait de comment une société patriarcale ne voit pas les femmes comme un sujet, comme un être humain qui doit aussi bénéficier d'un bien-être. Il y a très peu de recherches sur l'endométriose. Je suis féministe depuis toujours, j'ai toujours baignée sur plein de sujets à propos des femmes. Et pourtant, même hyper consciente de plein de choses, je n'étais même pas au courant de l'existence de l'endométriose. Ça m'a aussi un peu choquée de me dire à quel point la société n'arrive pas sur des sujets aussi vitaux à prendre en compte le bien-être des femmes, ou plutôt la vie des femmes. Car ce n'est même pas une question de bien-être, c'est une question de vie. Je pense que beaucoup de femmes sont mortes d'endométriose, certainement sans le savoir, ont vécu toute leur vie sans aucun traitement et tout ça alors que la science fait des recherches sur tout, on peut aller placer des trucs en Mars, on investit des milliards sur le Viagra, etc. Alors, qu'est-ce qui est important là-dedans ? Il n'y a pas longtemps se déroulait la journée des femmes dans la science. Des gens se disent, super, ils mettent une petite photo de femme scientifique, c'est super les femmes dans la science. Mais ce n'est pas seulement super, c'est surtout nécessaire, c'est-à-dire que les femmes doivent être présentes dans toutes les sciences. Parce que c'est dans cette diversité de perceptions qu'on peut réellement faire des recherches qui concernent vraiment toute la société. Ce qui s'est passé avec les vaccins du Covid, etc., c'est que le sujet qui est étudié ou à partir duquel on fait les choses, c'est l'homme. Et donc, les affectations et les effets secondaires sur les femmes ne sont, dans la très grande majorité des recherches qui se font dans le monde, pas la norme. C'est seulement l'exception, la dérogation. C'est très grave, parce que l'endométriose est une maladie encore très méconnue. Je ne suis pas scientifique, j'ai découvert cette maladie parce que je l'avais, je ne connais pas forcément tous les détails, parce que c'est une maladie à vie. Pour l'instant, ce qu'on sait, c'est que c'est incurable. Et que même si on t'opère, ce n'est pas comme si tu étais guéri. On voit avec les études menées que c'est l'alimentation, les médicaments, etc., qui pourraient être responsables... Dans les études sur les produits alimentaires industriels, on voit qu'il peut y avoir des conséquences terribles pour les femmes, pour les corps des femmes et pour leur système hormonal. Je pense que ce n'est pas encore assez étudié, pas seulement sur les médicaments qui sont la norme, parce que sur ce sujet il y a une recherche un peu plus approfondie. Il faudrait en savoir plus sur tous les produits qu'on consomme, qu'on porte ou qu'on se met. On ne fait pas assez attention à cela, et donc les femmes sont parfois affectées de façon terrible.


L'endométriose est l'exemple parfait d'une société patriarcale qui ne considère pas les femmes comme des êtres humains qui ont droit au bien-être et à une vie normale


  • Il y a peut-être aussi un souci au niveau médiatique sur les règles, la menstruation est encore trop souvent considérée comme quelque chose de tabou, de sale, alors que c'est tout à fait naturel. On ne parle pas des règles, on ne parle pas assez peut-être aussi, ça fait partie du problème.


Complètement, et surtout ce qu'on croit savoir des règles, qui est un thématique super tabou, c'est que voilà, les femmes, il faut les laisser tranquilles et que ça fait mal, "c'est normal". Mais une jeune fille qui a ses règles, elle ne saura peut-être pas qu'elle a l'endométriose lorsqu'elle a très mal. Et sa mère non plus ! Et ce que vont lui dire les autres, c'est "écoute, c'est normal, c'est comme ça". Elle risque de vivre 15 ou 20 ans avec une douleur atroce parce que tout le monde dit c'est normal! Je crois qu'il y a une loi de 2021 en France qui est une avancée. De plus en plus de pays commencent à se doter de lois qui font avancer les choses. Et la recherche avance en France actuellement. On y trouve le seul test d'endométriose. Pour diagnostiquer la maladie, c'est très long parce que les appareils ne sont pas faits pour la détecter. Le seul moyen de la détecter, c'est avec une machine ultra chère et c'est super complexe parce que les médecins ne vont pas t'envoyer là-bas si tu n'es pas en train de mourir, ça coûte beaucoup ... Et moi, comme je suis en Colombie, un pays qui n'a pas un système de santé public efficace, j'ai dû le payer de ma poche, sinon ce n'était pas possible. Aujourd'hui

il existe un test salivaire efficace à 99,9% en France,

créé par un labo de recherche. Et je crois que depuis peu, ce test qui coûte 800 euros va être remboursé par la Sécurité sociale. C'est une énorme avancée pour les femmes en France. Si j'étais présidente de la République, je ferais ça automatiquement à toutes les jeunes, parce qu'au final, ça amoindrit les coûts aussi! Je créerais plein de labos. Parce que au-delà du bien-être des femmes, qui paraît n'être le souci de personne, c'est aussi une question de tout, de productivité, d'économie, de plein de choses, d'argent public aussi, parce que 800 euros, ce n'est rien par rapport à 15 ans de diagnostics erronés et de pertes de temps, d'opérations inutiles, etc... On ne peut pas guérir l'endométriose, mais on peut mettre en place un régime alimentaire spécial, tout ce qu'on peut faire quand on sait ce qu'on a. Le problème, c'est que quand on ne sait pas ce qu'on a, on fait tout mal sans le savoir.



  • C'est clair. Mais qu'est-ce que tu conseillerais à une femme ou une adolescente qui a des règles douloureuses ? Qu'est-ce qu'on peut faire ? Qu'est-ce qu'il faudrait faire ?


Alors déjà, il faut savoir que l'endométriose existe. Aller voir les sites internet, il y a plusieurs associations en ligne, des femmes victimes d'endométriose témoignent, on s'aperçoit que c'est une maladie très variée. Comment savoir qu'on a trop mal ? C'est aussi la problématique. Comment sais-tu que, évidemment, quand tu saignes, tu t'es affaiblie, forcément tu as un peu mal, mais ça veut dire quoi avoir trop mal ? Et là, il y a aussi une question de la société patriarcale, c'est quel est le niveau de résistance à la douleur. Parce qu'on te dit, quel est ta douleur sur une échelle de 1 à 10 ? Moi, mon 10, il est hyper loin de ton 2. C'est-à-dire, mon 10, il correspond plutôt à 100 par rapport à ton 10. C'est très difficile de pouvoir évaluer cela. À partir du moment où on ne se sent pas bien, qu'on sent qu'on n'y arrive pas, on doit considérer la possibilité de l'endométriose. On doit regarder les différents symptômes, pas seulement la douleur, mais aussi les saignements importants par exemple. Mais ce n'est pas facile ! Jamais tu ne compares combien tu saignes avec d'autres femmes! Tu ne sais pas à quoi correspond un saignement trop important, avec tout ce tabou autour de la menstruation. J'avais des saignements très importants, c'était compliqué à vivre en saignant toute la journée, sans pouvoir aller aux toilettes toutes les 15 minutes.

J'ai donc appris une technique très intéressante, de contrôler la menstruation comme tu contrôles l'urine.

Je ne pensais pas que c'était possible, mais j'ai réussi et ça m'a vraiment aidé dans ma vie quotidienne. Et donc pour moi, mes saignements ne me paraissaient pas importants. Les gynécos demandent combien de serviettes hygiéniques tu utilises par jour ou des choses comme ça. C'est leur méthode pour évaluer. Mais ils ne se rendent pas compte que, avec de nouveaux moyens comme la coupe menstruelle ou le contrôle de la menstruation, tu ne peux pas savoir. Tu n'as pas un mètre pour calculer. À toutes les femmes, je leur conseille de lire sur l'endométriose, de lire ce que proposent les associations, parce que si elles se retrouvent concernées par certains symptômes, elles peuvent beaucoup plus facilement dire, voilà, moi je pense que j'ai peut-être l'endométriose, dire ça à un médecin, trouver des médecins experts dans cette thématique, il y a de plus en plus.





  • Une difficulté aussi, qui est d'ailleurs expérimentée par l'équipe scientifique de l'Université de Haute-Alsace, c'est que des interventions préventives en collège ou lycée, en direction des adolescentes, sont parfois difficiles parce qu'il y a une levée de bouclier de certains parents qui ne veulent absolument pas que quiconque parle de ce qui ressemble à de la sexualité, alors que ce n'est évidemment pas le cas, en direction de leurs enfants. Donc, qu'est-ce qu'on peut faire ? Il n'y a pas de solution miracle, sans doute, mais si les adolescentes, on ne peut pas leur expliquer...


Je comprends cette polémique. Des gens pensent que tout est sexuel parce qu'ils associent sexualité et porno, sexualité et viol. C'est un parcours mental complexe, j'espére que la génération suivante comprendra mieux. Même si politiquement le monde ne se dirige pas vers une ère des lumières... Il faut comprendre que l'éducation sexuelle fait partie de l'éducation reproductive et fondamentale, et c'est un enseignement nécessaire pour toutes les personnes. Ça ne veut pas dire regarder du porno en classe. Je pense que certains auront beaucoup de mal à dépasser des maladies bêtes. Enfin, bêtes, dans le sens où c'est une maladie qui peut être détectée. On a la possibilité aujourd'hui de détecter l'endométriose et de faire en sorte que les femmes souffrent moins. Et pourtant il y a des femmes qui meurent à cause de ça encore. C'est une absurdité incroyable.





  • Tu es féministe engagée, mais est-ce que ça t'a poussée à aller plus loin, à rejoindre des associations spécialisées ? Est-ce que cette expérience t'a menée ailleurs en termes d'activisme ?


Oui, bien sûr. J'ai été hospitalisée presque un mois quand je ne pouvais pas marcher. J'étais aux urgences et j'ai souffert longtemps. Et tous les jours, on me donnait un diagnostic différent. Ah, c'est à cause de votre... Enfin, tous les organes du corps que je ne connais pas. Mais enfin, tous les jours, c'était un autre organe et il fallait m'ouvrir pour le sortir ou pour me faire je ne sais pas quoi. C'était tellement changeant que du coup, je disais, ben non, attends, enfin déjà, soyons sûrs avant d'ouvrir mon ventre quand même. Et en fait, à l'instant où un médecin est venu me réveiller à 5h du matin pour me dire « Ah mais vous avez l'endométriose quand même, vous auriez dû savoir parce que vous auriez dû avoir très mal. » Et que du coup, lui particulièrement, ça m'a tellement choquée que je me suis dit, en fait, il dit genre « c'est votre faute de ne pas savoir. » C'est toujours la faute des femmes. Je ne suis pas médecin, donc je ne suis pas censée savoir ce que j'ai, sinon je n'irais pas à l'hôpital, ça pourrait être bien mieux. Mais surtout de me dire, oui, maintenant, j'ai une responsabilité pour qu'aucune femme ne soit obligée d'entendre un connard dire un truc comme ça. Ce n'est pas possible. Je veux que cette situation ne se reproduise plus jamais, qu'une femme soit mourante dans un lit d'hôpital, et qu'un gars vienne lui dire "vous auriez dû savoir, parce que vous aviez trop mal". Donc, j'ai commencé à militer dans une association, je suis en Colombie, donc c'est une association colombienne, des femmes qui ont découvert l'endométriose comme moi, énormément de temps après, etc. Un soutien psychologique est indispensable.

L'endométriose cause un mal être physique, on nous dit "ah t'aimes pas marcher, t'aimes pas courir, t'aimes pas ci, t'aimes pas ça, t'es paresseuse, etc." alors qu'en fait pas du tout! C'est une douleur permanente, et tu ne sais pas que c'est une douleur, tu penses juste que c'est comme ça la vie. Maintenant j'ai appris que marcher c'est cool, c'est chouette, c'est quelque chose de sympathique, alors qu'avant, je détestais ça.

Et je me dis, wow, en fait, ce n'était pas que je n'aimais pas marcher, c'est que je n'étais pas bien. Et donc, quand quelqu'un me dit, mais tiens, on y va en marchant, ce n'est pas loin, c'est super. Avant je trouvais ça horrible et maintenant, je trouve ça super. Il s'agit aussi de comprendre la position des personnes qui ont une maladie, qui ne la connaissent pas, et qui doivent être soutenus, aussi pour se rendre compte qu'en fait, ce n'est pas de leur faute. Ce n'est pas de leur faute. Donc oui, je milite maintenant. D'ailleurs, le mois de mars, c'est le mois de l'endométriose. C'est le mois mondial de l'endométriose, de l'info sur l'endométriose. Profitons-en !





  • Merci beaucoup pour ce témoignage extrêmement intéressant, qu'il faudrait d'ailleurs faire écouter à tous les parents qui refusent qu'on parle d'endométriose à leurs enfants. Un dernier mot avant de nous quitter, Vanessa ?


Je veux féliciter la France et surtout les labos de recherche qui travaillent sur l'endométriose en France, avec plein de collectifs féministes qui ont poussé pour que ces recherches soient financées et réalisées.

C'est grâce aux universités et aux labos qui s'emparent de ce sujet-là, c'est grâce à leur travail que cette société pourra évoluer et qu'enfin, un jour, on va pouvoir sortir de cette société patriarcale qui menace la vie de la moitié de la population de la planète. Merci de parler de ce sujet et merci de diffuser cette info à toutes les femmes et à toutes les personnes que vous connaissez.


  • Les podcasts de radio WNE sont écoutés par des millions de femmes [grand sourire bête], donc ton message passera. Merci beaucoup pour cet échange.


Pour les hommes et les femmes, parce que les hommes aussi doivent être conscients de la réalité de l'endométriose. Il n'y a pas que les femmes qui doivent écouter ça, il y a tout le monde. Les millions d'auditeurs.


  • Tu as raison. C'est vrai que les hommes ont évidemment leur part de responsabilité, d'action et de compréhension pour pouvoir agir, comprendre, accompagner et prendre les bonnes décisions. Merci beaucoup, Vanessa.




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